Tête de veau et pommade en gribiche

    Combien de souvenirs se forgent à table pour plus tard se rappeler à nous lorsque nos sens sont à nouveau sollicités. C’est alors tout le tableau des événements vécus dans le passé qui se redessine au pinceau des effluves, de la vue, des sons, de la texture et du goût… Je me suis donc récemment souvenu de ces bons moments vécus il y plus que 15 ans autour d’une tête de veau alors que j’en cuisinais une, puis que la partageait avec quelques bons amis. Ce jour-là, mes deux cousins, mon frère, et moi-même nous régalions de la fameuse tête de veau de Mémé, concoctée de concert avec notre tante Yvette. L’adoration que nous portions à ce plat de canaille et à ses cuisinières était telle que nous décidâmes d’en manger une chaque premier vendredi du mois. Pourquoi le vendredi, jour du poisson me direz-vous ? Et bien tout simplement parce que le niveau de productivité baisse considérablement après une tête de veau arrosée de Bourgogne et qu’il vaut mieux être le plus près possible du weekend pour s’adonner à ce type de douceur… Une telle merveille gastronomique n’étant pas faite pour rester contingentée à un groupe si restreint, nous décidâmes également  de  fonder une confrérie  informelle, mais extrêmement sérieuse dont les seules protagonistes féminines furent précisément les deux cuisinières! Point de machisme ou de misogynie dans notre sélection, mais la tête de veau, au grand dam de nos conjointes, sœurs et cousines, c’était plus une affaire de garçons qu’une histoire de fille. Allez, je vous rassure. Il y a quand même eu quelques exceptions ! Ainsi, peu à peu, nous invitâmes chacun de nouveaux convives qui transformèrent la petite salle-à-manger de Mémé, en Table d’Hôtes extrêmement courue. Les invités étaient attentivement sélectionnés en fonction de critères parfaitement subjectifs. Leur goût pour la convivialité, leur capacité à nous faire rire ou la qualité de leur cave n’en étaient pas les moindres. Mais avant tout, c’était l’amitié que nous nous portions les uns et aux autres qui nous guidait dans nos choix. Chaque premier vendredi du mois était un petit bonheur que nous enfermions soigneusement dans nos cœurs pour supporter les jours moins heureux. Nous avions bien raison d’en profiter car dans les années qui suivirent, plusieurs participants à ce rituel pantagruélique finirent par manquer à l’appel pour se rapprocher un peu plus du paradis. Bon, j’arrête la nostalgie, j’ai une recette à vous donner !

Pour 6 personnes :

- 1 tête de veau d’1,5 kg

- 1 bouquet de carottes

- 1 céleri

- 1 oignon piqué de 3 clous de girofle

- 1 feuille de laurier

- 1 kg de pommes-de-terre

Pour la sauce

- 3 œufs

- Huile d’olive

- Vinaigre

- Sel et gros sel

- Poivre en grain et moulu

- 1 bouquet de ciboulette

- 1 bouquet de persil plat

- Moutarde

- Câpres

- Une feuille de laurier

Démarrer la tête de veau dans un faitout, recouverte d’eau froide, avec le laurier, le poivre en grains et salée au gros sel. Ajouter l’oignon piqué de clous de girofle, le céleri. Après une heure et demie de cuisson, ajouter le bouquet de carotte. Laisser cuire à petit bouillon encore deux bonnes heures. Eplucher et faire cuire les pommes-de-terre à l’eau ou à la vapeur.

Pendant ce temps-là,  faire cuire 2 œufs durs. Les plonger dans l’eau froide après cuisson pour les éplucher plus facilement. Séparer le jaune du blanc. Faire un brunoise avec le blanc. Ciseler les herbes. Ecraser les jaunes mélangés à 5/6 cuillères à salade d’huile d’olive pour obtenir une pommade. Y ajouter le jaune de l’œuf cru et monter la pommade avec une cuillère de moutarde. Ajouter  2 bonnes cuillères à salade de vinaigre, le brunoise de blanc, les câpres et les herbes. Ajuster sel et poivre moulu et ajuster avec un peu d’huile.

Dresser la tête de veau en tranches dans un plat chaud, entourée des pommes-de-terre, du céleri coupé et des carottes, décorée de brins de persil.

Agrémenter chaque portion avec la sauce.

A table !

Avec ce plat d’hommes, servir un Chambolle Musigny de chez Anne Gros